Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

foudre l'écrase! Gravité, immobilité, universalité, perpétuité, tout cela reçu de l'institution ecclésiastique; tranquillité plane, rompant avec l'émotion sensuelle; les mille voix de l'air dans les mille tuyaux, depuis le trente-deux pieds du bourdon jusqu'au filet de son se perdant dans l'aigu; la pédale de bombarde qui roule comme un tonnerre; une masse d'harmonie soutenue et prolongée; tenant l'esprit de l'homme suspendu et le jetant dans l'infini de l'extase,--c'est l'orgue!»

L'organiste s'échauffait en parlant. Ses gestes s'animaient; et les quelques braves gens qui le rencontraient passaient de l'autre côté de la rue, le pensant fou.

«L'orgue!... Des ignorants, et l'évêque tout le premier! L'orgue! emblème et symbole du chant ecclésiastique!... L'orgue qui a reçu une destination dans l'ordre religieux! Oui, oui, il porte en lui l'écho de toutes les harmonies du monde! Il est la synthèse harmonique des lois cosmogoniques!--Je le vois bien! vous voulez qu'il se ravale à l'imitation des instruments, qu'il prenne, comme vous dites chez vous, un rayon de vous-même!