Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/106

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XXVI


Arriva l'heure où la mode dévore ses enfants. Ce démon, tout à l’heure adoré, dont tout était bien venu et pardonné, couches fréquentes, caprices, méchancetés, insolences, le voilà soudain disgracié, méprisé, honni comme un ruban passé ! Quel changement ! Où étaient les applaudissements, est le silence ; ce public amoureux, ce n’est plus qu’ennemis. Cette opinion publique, enchaînée et traînée derrière son triomphe, a repris ses verges et ses vengeances. Cette vieille réputation a trop duré, elle ennuie Paris : elle est mûre pour l’ostracisme.

La guerre contre Sophie avait commencé dès 1766 ; mais alors elle se faisait à mi-voix et sur le ton mielleux. Les conseils, les critiques même la courtisaient. Était-elle obligée d’abandonner le rôle de Sylvie à cause de la faiblesse de sa voix, l’on voulait bien reconnaître que Mlle Beaumesnil, malgré son talent, n’effaçait pas Sophie Arnould. En 1768, on disait encore : « Mlle Arnould, oubliée à force d’être désirée, a daigné reparaître dans Pomone. » À la fin de la même année, quand, tentée par l’exemple de Mme de Pompadour, elle voulut créer le rôle de Colin dans le Devin de Village, et échoua, on écrivit