— De mesure, quelle bête est-ce cela ? Suivez-moi, Monsieur, et sachez que votre symphonie est la très humble servante de l’actrice qui récite !
Cette répétition était une répétition de Céphalée et Procris, représenté à Versailles en 1773, et à laquelle assistait peut-être Gluck. Sous la drôlerie de la forme et l’insolence apparente des prétentions, Sophie Arnould réclamait là les droits de la chanteuse lyrique avant la révolution musicale. En effet, chanteurs et chanteuses d’opéra n’étaient encore que des hommes et des femmes récitant musicalement une tragédie sur des intonations indiquées par un musicien. Jusqu’à ce jour ils avaient joui de la plus complète indépendance « quant à la manière de présenter leurs phrases » ; jusqu’à ce jour ils avaient eu le pouvoir d’en presser ou d’en retarder le mouvement, le pouvoir de s’arrêter sur telle note selon l’inspiration du moment, le pouvoir de faire courir, à la suite de leur voix libre de toute mesure, la symphonie haletante.
« Quelle bête est-ce cela ? » Sophie ne se doutait guère, en disant ce mot, que cette bête était à la veille de mettre à néant son talent et sa renommée. Et une citation du temps que rapporte Castil-Blaze ne laisse aucun doute sur le coup porté à la chanteuse par l’introduction rigoureuse de la mesure : « Quelle idée peut-on