Page:Gondal - Mahomet et son oeuvre.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morceau de pain d’orge, jusqu’à passer deux mois sans faire du feu, vivant pendant ce temps de dattes et d’eau claire ; propre toujours mais simple dans sa mise, au point de trouver trop luxueux les vêtements de coton ; simple dans ses habitudes, jusqu’à raccommoder de ses mains ses vêtements et ses chaussures, jusqu’à traire ses brebis et faire son ménage, et cela quand il aurait pu se permettre le faste d’un roi ; généreux envers les pauvres, jusqu’à les admettre à sa table ; d’une affabilité rare envers les inférieurs, d’une bonté et d’une condescendance exquises, envers les petits enfants, d’une fidélité inébranlable à ses amis ; — il eut toutes les qualités naturelles qui font, d’un simple particulier, la joie de ses familiers et d’un prince, l’idole de ses sujets.

Mais s’il fut exempt des défauts qui rendent la vie des hommes moins douce et moins commode à leurs voisins immédiats, nous savons bien qu’il ne le fut pas des vices qui la déshonorent devant Dieu et devant l’histoire. Il fut, par intérêt, cruel et sanguinaire jusqu’à l’assassinat brutalement commandé ou perfidement insinué aux exécuteurs dociles de ses volontés souveraines. Il fut, quoi qu’on en dise, fourbe et dissimulé jusqu’au sacrilège le plus scélérat, faisant Dieu et ses anges témoins et complices de ses impostures.

Enfin sa vie tout entière nous offre ce mélange hideux de dévotion et de luxure qui est devenu la caractéristique essentielle d’une religion qui permet aux hommes de placer le harem à l’ombre de la mosquée. « Les choses de ce monde qui ont pour moi le plus d’attrait, répétait-il souvent, sont les femmes et les parfums ; mais je ne goûte de félicité parfaite que dans la prière. »