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théologie dogmatique ou morale. La société musulmane essentiellement théocratique n’a jamais distingué l’Église de l’État : institutions et lois civiles, dogmes et préceptes religieux, tout vient d’Allah, partant tout est sacré, inflexible, immuable, et un point quelconque de discipline revêt le caractère inviolable d’une institution divine[1].

Or il y a dans cette façon de concevoir le droit civil une erreur et un péril.

Il y a une erreur fondamentale, car faire d’une prescription légale destinée à régler les rapports civils ou politiques des hommes entre eux, une chose froide et rigide, stable comme une vérité ou immobile comme une erreur, c’est se tromper du tout au tout sur la nature même du droit, qui, destiné, à contenir et à diriger la vie pratique, doit être comme cette dernière, souple, changeante et mobile.

Il y a un péril de mort pour la société ; car à vouloir ainsi emprisonner la vie d’un peuple dans des formules légales inflexibles comme des dogmes on court le risque non seulement de la comprimer et de l’étioler, mais de l’étouffer et de l’éteindre.

  1. « Jamais religion ne sut lier ses disciples de chaînes plus solides et rattacher plus étroitement aux prescriptions religieuses, les moindres faits de la vie civile ou sociale. Le Koran est tout à la fois le code religieux, le code international, le code civil et le code pénal des musulmans. Il a donné l’unité de langue, d’organisation civile et sociale à des populations qui différaient par la race et le passé. Pour les populations qui l’ont adopté, la communauté de religion a remplacé la communauté d’origine et tenu lieu aux sémites du principe de nationalité qui semble incompatible avec leurs habitudes nomades et leurs mœurs patriarcales. » Germain Sabatier, Études sur les réformes algériennes, Oran, 1891.