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OBLOMOFF.

Dans la cour, sur la porte, on le voyait souvent au milieu d’un tas de marmots.

Il les réconciliait, les agaçait, leur arrangeait des jeux, ou se tenait simplement parmi eux : il en avait quelquefois un sur chaque genou, et sur son dos un troisième l’embrassait par le cou et lui tirait la barbe.

Ainsi Oblomoff empêchait Zakhare de jouir de la vie : il exigeait à chaque instant les services et la présence de son domestique que son bon cœur, son caractère communicatif, son indolence et l’éternel besoin de croquer quelque chose entraînaient tantôt chez la commère, tantôt à la cuisine, tantôt chez l’épicier, tantôt sur la porte.

Ils se connaissaient et vivaient à deux depuis de longues années. Zakhare avait soigné l’enfance d’Élie ; il l’avait porté sur ses bras, et Élie se souvenait de lui comme d’un gars jeune, alerte, gourmand et finaud. Rien ne pouvait détruire leur vieille intimité.

De même que M. Élie ne savait ni se lever, ni se coucher, ni se coiffer, ni se chausser, ni dîner sans Zakhare, ainsi Zakhare ne pouvait se figurer un autre barine que M. Élie, une autre existence que celle de l’habiller, de lui donner à manger, de lui faire des grossièretés, de le tromper, de lui mentir, et en même temps de le révérer intérieurement.