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OBLOMOFF.

fait. Vois plutôt, dit Élie, en tournant une plume dans l’encrier à sec, il n’y a même pas d’encre ! Comment veux-tu que j’écrive ?

— Je vais délayer l’encre avec du kwas, dit Zakhare et, s’emparant de l’encrier, il se dirigea lestement vers l’antichambre, pendant qu’Oblomoff se mit à chercher du papier.

« On dirait qu’il n’y a pas même de papier, » dit-il à part lui, en furetant dans le tiroir et en tâtant sur la table : « mais non, il n’y en a pas ! Oh ! ce Zakhare ! il me rend la vie bien dure ! »

— Soutiendras-tu encore que tu n’es pas un être venimeux ? dit Élie à Zakhare qui rentrait. Tu n’as l’œil à rien. Peut-on ne pas avoir de papier chez soi ?

— Mais qu’est-ce donc, monsieur, que ce martyre ? moi, un chrétien, pourquoi me traitez-vous de venimeux ? Où a-t-il encore poché ce mot-là : venimeux ? Nous sommes nés et nous avons grandi sous les yeux du vieux barine ; il daignait même nous appeler toutous et nous tirer les oreilles, mais jamais nous n’avons entendu un mot pareil. Il n’y avait pas de ces inventions-là dans le temps. Dieu sait où vous vous arrêterez ! Tenez, monsieur, voici du papier.

Il prit sur l’étagère et lui présenta une demi-feuille de papier gris.

— Peut-on écrire là-dessus ! dit Oblomoff en jetant le papier ; c’est avec ça que je couvre mon