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OBLOMOFF.

Sur ses bords point d’oiseaux qui gazouillent ; seulement des mouettes silencieuses, comme des condamnées, qui voltigent tristement le long du rivage et tournoient au-dessus des ondes.

Le rugissement de la bête féroce est faible, devant ces clameurs de la nature, la voix de l’homme est étouffée, et l’homme lui-même semble si petit, si impuissant ! il s’efface si complètement dans les menus détails de l’immense tableau ! C’est pour cela peut-être que la contemplation de la mer lui est si pénible.

Non, Dieu la bénisse, la mer ! Même dans son calme et dans son immobilité, elle n’inspire aucun doux sentiment à l’âme : dans l’ondulation à peine sensible de la masse d’eau, l’homme voit toujours la même puissance extraordinaire, quoique endormie, qui en d’autres instants raille si amèrement son orgueilleuse volonté et ensevelit si profondément, avec ses audacieux desseins, le fruit de ses labeurs et de ses peines.

Les montagnes et les abîmes n’ont pas été non plus créés pour l’agrément de l’homme. Ils sont terribles et menaçants comme les dents et les griffes que la bête féroce sort et dirige contre lui ; ils lui rappellent trop vivement sa nature mortelle et le frappent d’angoisse et de crainte pour sa vie.

Et puis le ciel là-bas, au-dessus des rochers et des