Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
OBLOMOFF.

abîmes, apparaît si éloigné et si impossible à atteindre, comme s’il s’était retiré des hommes !

Il n’est pas ainsi, le paisible petit coin où se trouva soudain notre héros. Là, le ciel semble, au contraire, descendre et se serrer davantage contre la terre, non pour lancer plus fort ses tonnerres, mais peut-être pour l’étreindre avec plus d’amour : on dirait qu’il s’étend si bas au-dessus de la tête, — comme le toit le plus sûr, le toit paternel, — pour l’abriter, ce petit coin choisi, contre tout désastre.

Là, le soleil brille clair et chaud pendant près de six mois, puis il s’éloigne, non tout d’un coup, mais comme à contre-cœur, comme s’il se retournait pour jeter encore un ou deux regards sur la contrée favorite, et lui faire don, pendant les pluies d’automne, d’un jour tiède et serein.

Là, les montagnes ne sont que l’image de ces terribles montagnes qui s’élèvent ailleurs et qui épouvantent l’imagination. C’est une rangée de collines qui vont en pente douce, du haut desquelles il est agréable, en jouant, de rouler sur le dos, et où l’on s’assied pour se perdre dans ses rêveries, en regardant le soleil couchant.

La rivière y court joyeuse et folâtre ; tantôt elle déborde en large étang, tantôt se précipite en filets rapides, ou s’apaise comme rêveuse, et à peine, à peine rampe sur les petits cailloux, envoyant de côté