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OBLOMOFF.

et d’autre des ruisseaux pétulants dont le murmure vous assoupit d’un sommeil si paisible.

Tout ce petit coin, à quinze ou vingt verstes à l’entour, offre au peintre une série d’études pittoresques, de gais et riants paysages. Le coteau à pente douce et sablonneuse, d’où les broussailles tentent de gagner jusqu’à l’eau ; le ravin tortueux avec son ruisseau au fond, et le bouquet de bouleaux semblent assortis exprès et dessinés de main de maître.

Un cœur vierge ou épuisé par les émotions voudrait se cacher dans ce petit coin, oublié du monde entier, et y vivre d’un bonheur ignoré du reste des hommes. Tout y promet une vie longue et paisible jusqu’à ce que les cheveux jaunissent[1], et une mort insensible et semblable au sommeil.

L’année y accomplit son cours régulièrement et sans perturbations. D’après l’indication du calendrier, en mars arrive le printemps : alors, des coteaux accourent des ruisseaux bourbeux ; la terre se dégèle et exhale une tiède et épaisse vapeur ; le paysan ôte la courte pelisse, sort à l’air en bras de chemise, et, voilant ses yeux de la main, se complaît longtemps à admirer le soleil, en se dilatant d’aise ; ensuite il tire tantôt par un brancard, tantôt par l’autre, la charrette renversée, ou passe en revue et pousse du

  1. En Russie, on voit souvent les cheveux blancs des vieillards prendre une teinte jaunâtre.