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OBLOMOFF.

béni de Dieu. Et jamais on n’aurait rien imprimé ni rien entendu dire, si au village la veuve Marina Koulkova, âgée de vingt-huit ans, n’avait accouché de quatre enfants d’un coup, ce dont il fut de toute manière impossible de se taire.

Le seigneur n’avait jamais châtié cette contrée ni de plaies d’Égypte ni de plaies ordinaires. Pas un habitant ne se rappelle avoir vu dans le ciel aucun phénomène effrayant, ni globes de feu, ni ténèbres subites.

Là ne rampent point de reptiles venimeux ; jamais n’y passent des nuées de sauterelles ; on n’y voit ni lions rugissants, ni tigres rauquants ; on n’y voit même ni ours ni loups, parce qu’on n’y voit point de forêts.

Seulement, par les champs et le long du village, vaguent, grassement nourris, des moutons bêlants, des vaches ruminantes et des poules caquetantes.

Dieu sait si un poëte ou un amant de la nature se contenterait de ce petit coin paisible. Ces messieurs, nul ne l’ignore, se plaisent à s’oublier en regardant la lune, et en écoutant les claquements de voix des rossignols. Ils aiment la lune coquette, qui sait s’habiller de nuages paille et qui passe mystérieusement à travers les branches des arbres, ou qui verse des gerbes de rayons argentés dans les yeux de ses adorateurs.