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OBLOMOFF.

Mais dans cette contrée, personne ne se doutait qu’il y eût une lune comme celle-là ; ils ne connaissaient que l’astre du mois[1]. L’astre contemplait bénignement, de tous ses yeux, les villages et les champs, et ressemblait à un beau clair bassin de cuivre.

En pure perte, un poëte serait resté en extase devant leur lune : elle eût regardé le poëte aussi naïvement qu’une beauté villageoise, à la face ronde, regarde un mirliflore de la ville qui la poursuit de ses yeux éloquents et passionnés.

Des rossignols non plus, on n’en entendait chanter dans cette région ; peut-être parce qu’ils n’y trouvaient ni roses ni asiles ombreux ; mais en compensation, mon Dieu ! quelle abondance de cailles !

En été, pendant la récolte, les jeunes gars les attrapent tout bonnement à la main. Qu’on ne pense pas cependant que les cailles soient là-bas un objet de luxe gastronomique, — non, une pareille dépravation n’a pas encore atteint les mœurs des habitants de cette contrée.

La chair de la caille est défendue par les règlements de l’Église. Son chant fait là-bas les délices des

  1. En Russie, il y a deux mots pour désigner cette planète : louna, lune, et mesiatz, qui est masculin et signifie en même temps le mois. On se sert rarement de « louna, » dans la langue vulgaire.