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OBLOMOFF.

On entendait sortir de l’office le bruissement de la quenouille et le fredonnement d’une voix flûtée de paysanne : il était difficile de distinguer si elle gémissait ou improvisait un air mélancolique sans paroles.

Dans la cour, dès qu’Anntipe revenait avec le tonneau, des différents coins grouillaient vers lui, avec des seaux, des jattes et des cruches, les paysannes et les cochers. Ici, une vieille femme porte de l’office à la cuisine une jatte de farine et un quarteron d’œufs ; là, le cuisinier jette tout à coup de l’eau par la croisée et arrose Arapka qui, la matinée entière, sans détourner ses regards, contemple la fenêtre d’un air gracieux en se léchant et en frétillant de la queue.

Le vieux Oblomoff lui-même ne reste pas inoccupé. Toute la matinée, il se tient à la croisée et surveille consciencieusement ce qui se passe.

— Hé ! Ignachka, qu’est-ce que tu portes là, imbécile ? demande-t-il à un homme qui traverse la cour.

— Je porte à l’office les couteaux à repasser, répond celui-ci sans regarder le barine.

— Ah ! porte-les, porte-les, et qu’on les repasse bien, entends-tu ?

Ensuite il arrête une paysanne.

— Hé ! la femme, la femme, d’où viens-tu ?

La femme s’arrête, s’ombrage les yeux de la main, et, regardant la fenêtre :