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OBLOMOFF.


XIV


Élie vit en songe non pas une, ni deux soirées pareilles, mais des semaines entières, des mois et des ans où les journées et les soirées se passaient ainsi. Rien ne rompait l’uniformité de cette vie, et elle n’était point à charge aux Oblomoftzi, parce qu’ils n’imaginaient pas une autre existence, et que s’ils avaient pu se la figurer, ils l’auraient repoussée avec effroi.

Ils ne voulaient et n’aimaient que celle-là. Ils auraient regretté que des circonstances quelconques y amenassent des changements, quels qu’ils fussent. La mélancolie les eût rongés à mort, si le lendemain n’avait pas dû ressembler à la veille et le surlendemain au lendemain.

Qu’ont-ils besoin de la variété, des changements, des aventures que les hommes désirent tant ? Que les autres boivent ce calice jusqu’à la lie, quant à eux, Oblomoftzi, ils sont indifférents à tout. Que les autres vivent comme ils l’entendent !

Est-ce que les événements, même heureux, n’ont pas leur gêne ? ils suscitent des embarras, des soucis, des démarches. Impossible de rester en place : faire du commerce, de la littérature, eu un mot se remuer, cela est-il si plaisant ?