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OBLOMOFF.

n’est pas perdu, nous avons encore le temps de l’envoyer.

On n’a jamais su si M. Philippe reçut enfin la recette.

Le vieux Oblomoff prenait quelquefois un livre en main, n’importe lequel. Pour lui la lecture n’était pas un besoin ; il la classait parmi les choses de luxe, comme un objet dont on se passe sans peine, absolument comme on peut avoir ou ne pas avoir un tableau accroché au mur, comme on peut aller ou ne pas aller se promener.

C’est pourquoi le choix du livre lui était indifférent ; il regardait la lecture comme une distraction contre l’ennui et l’oisiveté.

« Il y a longtemps que je n’ai lu dans un livre, » disait-il ; ou bien quelquefois il modifiait sa phrase : « Si je lisais dans un livre ? » ou tout bonnement il avisait par hasard en passant un petit tas de livres qui lui avaient échu à la mort de son frère, et en tirait le premier qui lui tombait sous la main.

Que ce fût Galakoff[1], ou l’Explicateur le plus nouveau des rêves, ou la Russiade de Kheraskoff, ou une tragédie de Soumarokoff, ou enfin un journal de trois ans, il lisait tout avec le même plaisir, en s’arrêtant de temps à autre pour dire : « Voyez

  1. Faits et gestes de Pierre-le-Grand.