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OBLOMOFF.

donc : qu’est-ce qu’il n’invente pas ? ah ! le brigand[1] !

Ces exclamations s’adressaient aux auteurs, race qui à ses yeux ne méritait aucune considération. Il avait hérité des hommes du vieux temps le demi-mépris qu’ils professaient pour les écrivains.

Ainsi que beaucoup de gens à cette époque, il ne regardait pas un auteur autrement que comme un joyeux compère, un bambocheur, un ivrogne, un loustic, bref une sorte de baladin.

Quelquefois il lisait un peu et à haute voix, pour tout le monde, dans des journaux de trois ans ; il communiquait ainsi les nouvelles : « On écrit de La Haye que Sa Majesté le roi a daigné rentrer heureusement d’un petit voyage dans son palais ; » après quoi il jetait par-dessus ses lunettes un coup d’œil sur son auditoire. Ou : « À Vienne, tel ambassadeur a remis ses lettres de créance. » « Et ici l’on écrit, lisait-il encore, que l’ouvrage de madame de Genlis a été traduit en langue russe. »

— Sans doute, dit un petit hobereau des environs, que ces traductions sont faites pour soutirer quelque argent de nos pareils les nobles.

  1. Le texte ajoute : « Ah ! qu’il se fasse un vide autour de lui ! » Nous traduirions ces mots par : « Ah ! que le diable l’emporte ! » si le nom du diable pouvait se rencontrer dans la bouche de M. Oblomoff père.