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OBLOMOFF.

— Avez-vous beaucoup de besogne ? demanda Élie.

— Oui, assez. Deux articles par semaine dans le journal, ensuite des critiques littéraires ; puis je viens d’écrire une nouvelle…

— Sur quel sujet ?

— Comme quoi dans une ville le maire casse les dents des bourgeois à coups de poing.

— Oui, en effet, c’est du réalisme, dit Oblomoff.

— N’est-ce pas ? répéta le littérateur enchanté. Voici l’idée que je développe, et je sais qu’elle est neuve et hardie. Un voyageur qui avait été témoin de ces coups s’en plaignit dans une entrevue avec le gouverneur. Celui-ci donna ordre à un employé qui se rendait en cet endroit pour une enquête, de s’en assurer au passage, et, en général, de prendre des renseignements sur la personne et la conduite du maire. L’employé rassembla les bourgeois, sous prétexte de les questionner sur le commerce, et s’enquit du fait. Que font les bourgeois ? Ils saluent, se mettent à rire et à chanter les louanges du maire. L’employé prend ailleurs des informations ; on lui dit que les bourgeois sont de fieffés coquins, qui débitent des marchandises frelatées, vendent à faux poids et à fausse mesure même au gouvernement, en un mot, de franches canailles ; de sorte que ces coups sont un châtiment mérité.