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OBLOMOFF.

kwas[1], et cachetée avec de la cire bai-brun. Les caractères, immenses et pâles, se déroulaient en procession solennelle, sans se toucher, sur une ligne transversale, depuis le coin d’en haut jusqu’au coin d’en bas. Quelquefois la procession était interrompue par une grande tache d’encre blanche.

« Monsieur, » commença Élie, « Votre Honneur, notre père nourricier, monsieur Élie… »

Ici Oblomoff sauta plusieurs compliments et souhaits de bonne santé ; il reprit vers le milieu :

« Je fais savoir à ta grâce seigneuriale que chez toi, dans ta propriété, notre père nourricier, tout va prospérant. Voici cinq semaines qu’il n’a plu. Nous avons probablement irrité le Seigneur Dieu, qu’il ne nous envoie point de pluie. D’une pareille sécheresse les vieux ne peuvent se souvenir : les blés de mars brûlent comme s’ils étaient en flamme. Les blés d’automne, par endroits, le ver les a fait périr ; par endroits, les gelées précoces les ont fait périr : on a labouré une seconde fois pour les blés de mars, mais on ignore s’il viendra quelque chose. Peut-être le Seigneur miséricordieux aura pitié de ta grâce seigneuriale ; car de nous-mêmes, quand même nous devrions crever, nous n’avons nul souci.

  1. Boisson de ménage que le peuple compose avec des croûtes de pain ou des fruits acides mis en fermentation.