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Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/101

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de croix sur sa poitrine sans qu’il s’en aperçût ; une demi-heure après, elle demanda à mi-voix :

— Vous ne dormez pas, André ?

— Non… pourquoi ?

— Rien… Bonne nuit !

— Merci, merci, répondit-il avec reconnaissance.


XVII


Lorsque, le lendemain, la mère arriva à la porte de la fabrique, chargée de son fardeau, les gardiens l’arrêtèrent avec rudesse, lui ordonnèrent de poser ses pots à terre et l’examinèrent soigneusement.

— La soupe va se refroidir ! dit-elle d’un ton calme, tandis qu’ils la fouillaient sans gêne.

— Tais-toi ! répliqua l’un des hommes d’une voix rébarbative.

L’autre ajouta avec conviction en le poussant légèrement à l’épaule :

— Je te dis qu’on les jette par-dessus la palissade !

Le vieux Sizov fut le premier à s’approcher d’elle ; il lui demanda à voix basse, en regardant de tous côtés :

— Tu as entendu, mère ?

— Quoi ?

— Les brochures ont de nouveau fait leur apparition. On en a semé partout, comme du sel sur du pain. Les arrestations et les perquisitions n’ont pas servi à grand’chose. Mon neveu Mazine est en prison… ton fils aussi… et pourtant, les feuillets sont distribués comme avant… ce n’était donc pas eux…

Et Sizov conclut en se lissant la barbe :

— Ce n’est pas une affaire de personnes, mais de pensées… et les pensées, on ne peut pas les attraper comme les puces…

Il rassembla sa barbe dans sa main, la considéra et dit en s’éloignant :

— Pourquoi ne viens-tu jamais chez nous ! C’est ennuyeux de prendre le thé toute seule…

Elle remercia. Tout en criant ses marchandises, elle suivait attentivement de l’œil l’effervescence extraor-