Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

frémissaient. Pendant un instant, il garda le silence ; Pélaguée le considérait sans mot dire.

Le Petit-Russien passa devant eux en sifflotant, tête baissée, et sortit.

— Merci, maman ! dit Pavel d’une voix basse et profonde, en lui serrant la main de ses doigts tremblants. Merci, chérie !

Joyeusement émue par l’expression du visage de son fils et les accents de sa voix, elle lui caressait les cheveux et, réprimant les battements de son cœur, elle dit doucement :

— Que Dieu soit avec toi !… Pourquoi me remercier ?…

— De ce que tu nous aides à accomplir notre grande œuvre ! Merci ! reprit-il. C’est un grand bonheur pour l’homme quand il peut dire de sa mère qu’elle lui est parent par l’esprit aussi…

Elle ne répondit pas ; le cœur épanoui, elle aspirait avec avidité les paroles de Pavel, le contemplait, ravie ; il lui semblait si lumineux, si proche…

— Je me taisais, maman… je voyais bien que des choses dans ma vie te froissaient… j’avais pitié de ton âme, et je ne pouvais rien faire, je ne savais pas comment m’y prendre !… Je croyais que jamais tu ne te joindrais à nous, que tu n’adopterais jamais nos opinions… mais que tu continuerais à tout supporter en silence, comme tu l’as fait toute ta vie… Cela m’était pénible !…

— André m’a fait comprendre bien des choses ! dit-elle, désireuse de rappeler le Petit-Russien à son fils.

— Il m’a raconté tout ce que tu faisais ! reprit Pavel en riant.

— Iégor aussi. Nous sommes du même village… André voulait même m’apprendre à lire…

— Et tu as eu honte et tu t’es mise à étudier toute seule, en cachette…

— Ah ! il m’a espionnée ! s’écria-t-elle avec embarras. Et, agitée par l’excès de joie qui remplissait son cœur, elle proposa à Pavel :

— Il faut l’appeler ! Il est sorti pour ne pas nous gêner. Il n’a pas de mère…

— André ! cria Pavel, en ouvrant la porte d’entrée. Où es-tu ?

— Ici, je vais fendre du bois…