Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/133

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pas mâché suffisamment et il vous est resté un morceau dans la gorge… Vous vous gargarisez…

— Ne dîtes pas de bêtises, conseillait Pavel.

— Moi ! Je suis aussi sérieux qu’à un enterrement !…

La mère riait en hochant la tête…


XXIII


Le printemps approchait, la neige fondait, découvrant la fange et la suie des cheminées de la fabrique, qu’elle avait dissimulées sous sa blancheur.

Chaque jour, la boue se faisait plus agressivement apparente, le faubourg tout entier semblait sale et couvert de guenilles. Le jour, les toits dégouttaient et les murs gris des maisons fumaient comme s’ils transpiraient. La nuit, des glaçons pendaient partout et scintillaient faiblement. Le soleil se montrait de plus en plus souvent, et les ruisseaux indécis se mettaient à couler doucement vers le marais. À midi, la chanson caressante des espoirs printaniers palpitait au-dessus du faubourg.

On se préparait à fêter le Premier Mai.

Des feuillets avaient été répandus à la fabrique et dans le quartier : ils expliquaient la signification de cette fête ; et même des jeunes gens qui n’avaient rien de commun avec les socialistes, disaient en les lisant :

— Il faut arranger ça !

Vessoftchikov s’écriait avec un sourire maussade :

— Ce n’est pas trop tôt, c’est assez joué à cache-cache !

Fédia Mazine se réjouissait. Il avait beaucoup maigri, et la nervosité de ses gestes et de ses propos faisait songer à une alouette en cage. Il était toujours accompagné de Jacob Somov, garçon taciturne, très sérieux malgré son jeune âge et qui travaillait maintenant en ville, Samoïlov, dont les cheveux et la barbe étaient devenus encore plus rouges en prison, Vassili Goussev, Boukine, Drégounov et quelques autres jugeaient qu’il était indispensable de se munir d’armes ; mais Pavel, le Petit-Russien, Somov et leurs amis n’étaient pas de cet avis.