Le Petit-Russien répliqua avec calme en se frottant la tête :
— Tu en auras bien encore l’occasion ! Joue de ton chalumeau, et ceux qui ont les jambes agiles ou dont les pieds ne sont pas collés au sol danseront au son de ta musique ! Rybine a raison quand il dit que, nous autres, nous ne sentons pas la terre sous nos pieds ; et nous ne le devons pas, car c’est nous qui sommes destinés à la mettre en mouvement… Quand nous l’aurons secouée une fois, les gens s’en détacheront… la seconde fois…
La mère se mit à rire.
— Tout te paraît simple, André, dit-elle.
— Eh oui, c’est très simple ! répondit-il ; et il ajouta d’une voix chagrine :
— Comme la vie !
Quelques instants après, il reprit :
— Je vais aller me promener dans les champs…
— Après le bain ? Le vent est violent ! Il te soufflera sur la peau ! fit observer la mère.
— C’est justement ce qu’il faut ! répondit-il.
— Prends garde, tu vas te refroidir ! dit Pavel avec amitié. Tu ferais mieux de te coucher, essaie de dormir.
— Non, je veux sortir !
Il s’habilla et sortit sans ajouter un mot.
— Il souffre ! soupira la mère.
— Sais-tu, répondit Pavel, tu as bien fait de le tutoyer, d’être douce avec lui…
Elle lui jeta un regard étonné et dit, après un instant de réflexion :
— Mais je n’ai pas même remarqué que je l’avais tutoyé… c’est tout à fait par hasard… Il m’est devenu tellement proche… je ne puis dire combien !
— Tu as un bon cœur, maman !
— Tant mieux, si c’est vrai ! Si seulement je pouvais vous aider… toi… et tous les autres ! Si je savais…
— N’aie pas peur, tu sauras !…
Elle se mit à rire doucement.
— Voilà ce que je ne sais pas, ne pas avoir peur ! Merci pour ton compliment, mon garçon !
— C’est bon, maman ! N’en parlons pas ! Sache-le bien, je t’aime et te remercie profondément…