frissons lui glaçaient le dos. Mais en elle subsistait une étincelle de colère, qui ne vacillait pas et piquait le cœur comme une aiguille ; et la mère répondait à cette piqûre par une froide promesse :
— Attendez !…
Alors, toussant avec bruit, elle fronçait les sourcils. Le soir, les gendarmes arrivèrent. Elle les accueillit sans étonnement, sans crainte. Ils entrèrent dans la maison à grand fracas, avec un air de satisfaction. L’officier au teint jaune dit en découvrant ses dents :
— Eh bien, comment allez-vous ? C’est la troisième fois que nous nous voyons, n’est-ce pas ?
La mère garda le silence et passa sa langue sèche sur ses lèvres ; l’officier parla beaucoup, d’un ton savant ; Pélaguée sentit qu’il avait du plaisir à s’écouter. Mais les paroles n’arrivaient pas jusqu’à elle et ne la troublaient pas. Cependant, lorsqu’il lui dit :
— Tu es coupable toi-même de n’avoir pas su inspirer à ton fils le respect envers Dieu et l’Empereur…
Elle répondit sans le regarder :
— Ce sont les enfants qui sont nos juges… ils nous condamneront en toute justice de les avoir abandonnés sur une voie pareille…
— Quoi ? cria l’officier, parle plus haut !
— Je dis que ce sont nos enfants qui sont nos juges ! répéta-t-elle en soupirant.
Alors il se mit à pérorer d’une voix rapide et irritée, mais les phrases s’envolaient sans toucher la mère.
Maria Korsounova avait été requise comme témoin. Debout à côté de Pélaguée, elle ne la regardait pas ; lorsque l’officier lui adressait une question quelconque, elle s’inclinait aussitôt très bas et répondait d’une voix monotone :
— Je ne sais pas, Votre Noblesse ! Je suis une femme tout à fait ignorante, je m’occupe de mon commerce… grâce à ma bêtise, je ne sais rien du tout…
— Tais-toi ! ordonna l’officier en agitant sa moustache.
Maria s’inclina et, lui faisait la nique sans qu’il s’en aperçût, chuchota :
— Tiens, prends ça pour toi !
On lui donna l’ordre de fouiller la mère. Ses yeux papillotèrent,