Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/195

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— Oui. Ils ont cherché partout, ils m’ont même fouillée. Ces gens n’ont point de conscience ni de pudeur !

— Pourquoi en auraient-ils ? demanda Nicolas en haussant les épaules ; puis il lui exposa les raisons pour lesquelles elle devait aller vivre à la ville.

Elle écoutait cette voix amicale, pleine de sollicitude, regardait ce visage au pâle sourire, et s’étonnait de la confiance que lui inspirait cet homme.

— Du moment que Pavel l’a décidé, et si je ne vous gêne pas… dit-elle.

— Ne vous inquiétez pas de cela. Je vis seul, ma sœur ne vient que rarement…

— Mais je veux travailler, je veux gagner mon pain !

— Si vous voulez travailler, on vous trouvera de l’ouvrage !

Pour elle, l’idée de travail était liée indissolublement au genre d’activité de son fils, d’André et de leurs camarades. Elle se rapprocha de Nicolas et lui demanda en le regardant dans les yeux :

— Vous croyez ?…

— Mon ménage n’est pas bien grand ; quand on est seul…

— Ce n’est pas de cela que je parle, je parle de la grande affaire… expliqua-t-elle à voix basse.

Blessée de ne pas avoir été comprise, elle poussa un soupir de tristesse. Nicolas se leva et dit d’un ton grave, en souriant de ses yeux myopes :

— Pour la grande cause aussi, vous aurez de l’ouvrage, si vous le voulez…

Une pensée simple et claire se forma vivement en elle. Une fois déjà, elle avait réussi à aider Pavel ; peut-être y parviendrait-elle encore ? Plus il y aurait de gens qui travailleraient à cette cause, plus il serait évident aux yeux du monde que Pavel avait raison de la défendre. Tout en examinant le bon visage de Nicolas Ivanovitch, elle s’attendait à ce qu’il parlât avec compassion de Pavel, d’André et d’elle-même, mais il ajouta seulement, en se caressant la barbe avec des gestes absorbés :

— Si vous pouviez savoir de Pavel, quand vous le verrez, l’adresse des paysans qui ont demandé un journal…