Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Le procureur est venu ces jours-ci, il a dit que ce serait bientôt…

Ils échangèrent des paroles banales ; la mère voyait que Pavel la regardait avec amour. Il n’avait pas changé, il était toujours calme et pondéré ; seule, sa barbe avait vigoureusement poussé et le vieillissait ; ses poignets étaient plus blancs. Elle voulut lui faire plaisir et lui parler de Vessoftchikov ; sans changer de voix, du même ton dont elle disait des riens, elle continua :

— J’ai vu ton filleul…

Pavel la fixa d’un air interrogateur. Pour évoquer le visage grêlé du jeune homme, la mère se picota les joues avec le doigt…

— Il va bien, c’est un garçon robuste et déluré, il va bientôt entrer en place… Tu te souviens ? il réclamait toujours un travail pénible.

Pavel avait compris, il hocha la tête, et répondit, les yeux illuminés d’un gai sourire :

— Comment donc !… si je m’en souviens !…

— Eh bien, voilà ! dit-elle avec satisfaction.

Elle était contente d’elle-même et touchée par la joie de son fils. Lorsqu’elle partit, il lui serra la main vigoureusement :

— Merci, maman !

Comme une vapeur d’ivresse, un sentiment d’extase monta à la tête de la mère ! Elle sentait le cœur de son fils tout proche du sien ; elle n’eut pas la force de lui répondre par des mots et se contenta de lui serrer la main, sans parler.

Lorsqu’elle rentra, elle trouva Sachenka. La jeune fille avait l’habitude de venir le jour où la mère allait à la prison. Jamais elle ne la questionnait au sujet de Pavel ; si Pélaguée ne parlait pas elle-même de son fils, Sachenka la regardait fixement, et c’était tout. Mais, ce jour-là, elle l’accueillit par une question inquiète :

— Eh bien, que fait-il ?

— Il est bien !

— Vous lui avez donné le billet ?

— Bien entendu !

— Il l’a lu ?

— Mais non ! Comment aurait-il pu le faire !

— C’est vrai… j’oubliais ! dit lentement la jeune fille.