— Vous avez bien mal à la tête ?
— Non, pas trop… seulement, tout est vague… je suis faible ! répondit Ivan avec confusion en tirant sa couverture jusqu’au menton ; ses yeux clignotaient comme si la lumière eût été trop forte. Remarquant que le jeune homme ne se décidait pas à manger en sa présence, Sachenka se leva et sortit de la pièce.
Ivan se redressa, la suivit du regard et dit en clignant de l’œil :
— Elle est si jolie…
Il avait les yeux clairs et joyeux, des dents petites et serrées ; sa voix muait encore.
— Quel âge avez-vous ? demanda pensivement la mère.
— Dix-sept ans !…
— Où sont vos parents ?
— À la campagne… Il y a sept ans que je suis ici… j’ai quitté le village en sortant de l’école… Et vous, camarade, quel est votre nom ?
La mère était toujours amusée et touchée quand on l’appelait ainsi. Elle demanda en souriant :
— Quel besoin avez-vous de le savoir ?
Après un instant de silence, le jeune homme, embarrassé, expliqua :
— Voyez-vous, un étudiant de notre cercle… c’est-à-dire celui qui nous faisait des lectures… nous a parlé de la mère de Pavel Vlassov, vous savez, l’organisateur de la démonstration du Premier Mai… le révolutionnaire Vlassov.
Elle hocha la tête et prêta l’oreille.
— C’est lui qui, le premier, a déployé l’étendard de notre parti ! déclara fièrement le jeune homme ; et sa fierté eut un écho dans le cœur de la mère. Je n’y étais pas… Nous avions l’intention de faire une démonstration ici aussi ; nous avons échoué, nous étions trop peu ! Mais cette année-ci, ce sera différent. Vous verrez !…
Il haletait d’émotion, se délectant à l’idée des événements futurs ; puis il continua en agitant sa cuiller :
— Donc, je parlais de la mère de Vlassov… elle s’est aussi mise du parti après l’arrestation de son fils… On dit que cette vieille-là est étonnante !…
Pélaguée eut un large sourire ; elle était à la fois flattée et un peu gênée. Elle allait lui dire que la mère