Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/312

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— Voyez-vous, mère, je vais vous dire la vérité, quand même elle vous ferait souffrir : je connais bien Pavel, je suis certain qu’il refusera de s’évader ! Il veut être jugé, il veut se montrer dans toute sa force… il ne renoncera pas à cela. Et ce sera inutile !… Il reviendra de Sibérie…


La mère soupira à voix basse :

— Que faire ?… Il sait mieux que moi ce qu’il doit décider…

Nicolas se leva brusquement, de nouveau envahi par la joie, et dit en penchant la tête :

— Grâce à vous, mère, j’ai vécu aujourd’hui des minutes meilleures… les meilleures de ma vie, peut-être… Merci… Embrassons-nous !

Ils s’étreignirent silencieusement.

— Que c’est bon ! fit-il à voix basse.

La mère laissa tomber ses bras et souriait d’un air heureux.

— Hum ! reprit Nicolas en la regardant à travers ses lunettes. Si seulement votre paysan venait bientôt ! Il faut absolument écrire un petit article sur Rybine et le distribuer dans les villages… cela ne lui nuira pas, du moment qu’il agit ouvertement lui-même et que la cause du peuple en profitera… Je vais le composer tout de suite. Lioudmila l’imprimera demain… Oui, mais comment expédier les feuillets ?

— J’irai les porter…

— Non, merci ! s’écria vivement Nicolas. Ne croyez-vous pas que Vessoftchikov pourrait faire l’affaire ?

— Faut-il lui en parler ?

— Essayez, et dites-lui comment il doit s’y prendre !

— Et moi, que ferai-je ?

— Ne vous inquiétez pas !

Il se mit à écrire ; tout en débarrassant la table, la mère le regardait et voyait la plume qui tremblait et traçait de longues séries de mots sur le papier. Parfois, la nuque du jeune homme frémissait, il rejetait la tête en arrière et fermait les yeux. Pélaguée se sentait tout émue.

— Châtiez-les ! chuchota-t-elle. Ne les épargnez pas, ces assassins !

— Voilà, c’est prêt ! dit-il en se levant. Cachez ce papier sur vous… Mais, vous savez, si les gendarmes viennent, on vous fouillera aussi…