Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/317

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Il s’agenouilla devant l’ouvrier et se mit à défaire rapidement la bande sale et mouillée.

— Il faut lui frotter les pieds avec de l’alcool cela lui fera du bien dit la mère.

— C’est ça ! répondit Nicolas.

Ignati renifla, tout confus.

Enfin, Nicolas trouva le billet ; il le lissa, le regarda et le tendit à la mère.

— Voilà ! C’est pour vous !

— Lisez !

Approchant le morceau de papier gris et froissé de son visage, Nicolas lut :

« Mère, ne laisse pas tomber l’affaire, dis à la dame qu’elle n’oublie pas qu’on écrive toujours plus sur nos affaires, je t’en prie. Adieu, Rybine. »

— Brave homme ! dit tristement la mère. On le prenait à la gorge qu’il pensait encore aux autres.

Lentement, Nicolas laissa tomber le bras qui tenait le billet, et fit à mi-voix :

— C’est merveilleux !

Ignati les regardait en remuant doucement les doigts crasseux de son pied déchaussé. La mère, cachant son visage inondé de larmes, s’approcha de lui avec un baquet d’eau ; elle s’assit à terre et tendit la main pour prendre la jambe de l’homme.

— Que voulez-vous faire… c’est inutile… c’est…

— Donne vite ton pied !…

— Je vais apporter de l’alcool, dit Nicolas.

L’homme cachait toujours plus sa jambe sous le banc en murmurant :

— Je ne veux pas… ça ne se fait pas…

Sans répondre, la mère se mit à défaire les bandes de toile de l’autre pied. Le visage rond d’Ignati s’allongea d’étonnement. La mère commença à le laver.

— Tu sais, dit-elle, d’une voix frémissante, on a battu Rybine…

— Vraiment ! s’écria Ignati effrayé.

— Oui, quand on l’a amené à Nikolski, il avait déjà été roué de coups ; et là, le sous-officier et le commissaire l’ont frappé à coups de poing, à coups de pied… il était couvert de sang…

— Ah ! cela, ils s’y entendent ! répondit l’ouvrier. (Ses épaules furent secouées par un frisson.) J’en ai