Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/332

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— Ce n’était pas bien compliqué ! Je n’avais qu’à me procurer des vêtements pour Rybine et trouver un endroit pour le cacher… Le reste c’est Gadoune qui s’en est chargé… Rybine n’aura que quelques centaines de pas à faire. Vessoftchikov ; déguisé, bien entendu, ira au-devant de lui et lui donnera un pardessus, une casquette ; il lui dira où aller… Moi, j’attendrai Rybine et l’emmènerai !

— C’est très bien… Qui est Gadoune ? demanda Nicolas.

— Vous le connaissez. C’est chez lui que vous faisiez des lectures aux serruriers…

— Ah ! je m’en souviens !… Un vieillard bizarre…

— C’est un couvreur, un ancien soldat… Il est peu développé, il a une haine inépuisable pour toute violence et pour tous les oppresseurs. C’est un peu un philosophe, dit pensivement Sachenka en regardant par la fenêtre.

La mère l’écoutait en silence ; peu à peu une idée vague mûrissait en elle.

— Gadoune veut faire évader son neveu, Evtchenko, ce forgeron qui vous plaisait tant par sa propreté et sa coquetterie, vous souvenez-vous ?

Nicolas hocha la tête.

— Il a tout arrangé à la perfection, continua Sachenka, seulement je commence à douter du succès… Les prisonniers se promènent tous à la même heure ; quand ils verront l’échelle, il y en a beaucoup qui voudront s’enfuir…

Elle ferma les yeux et se tut ; la mère s’approcha d’elle.

— … Et ils se gêneront mutuellement.

Ils étaient tous trois debout près de la fenêtre, la mère derrière Nicolas et Sachenka. Leur conversation rapide réveillait de plus en plus en Pélaguée un vague sentiment…

— J’irai ! dit-elle soudain.

— Pourquoi ? demanda Sachenka.

— Non, non, mon amie ! Il vous arriverait quelque chose ! Non ! conseilla Nicolas.

La mère les regarda et répéta, plus bas, avec insistance :