Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/348

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— Oui, dit Sizov. Il nous est bien difficile de comprendre cette affaire… bien, bien difficile ! Et, pensif, il hocha la tête.

Le garde ouvrit la porte de la salle en criant :

— Parents… entrez ! Montrez vos cartes !…

Une voix maussade dit lentement :

— Des cartes… comme au cirque…

On sentait maintenant une irritation générale et sourde, une vague colère ; les curieux manifestaient plus de sans-gêne qu’auparavant, ils faisaient du bruit, discutaient avec les gardes.


XXIV


Sizov s’assit sur un banc en grommelant.

— Qu’as-tu ? demanda la mère.

— Rien ! Le peuple est bête… Il ne sait rien… il vit à tâtons…

Une sonnette résonna. Quelqu’un annonça avec indifférence :

— La cour !

De nouveau, tous se levèrent comme la première fois, les juges entrèrent dans le même ordre, ils s’assirent. Les accusés furent introduits.

— Attention ! chuchota Sizov, le procureur va parler…

La mère, tendant le cou, se pencha en avant de tout son corps et se figea dans l’attente de la chose terrible.

Debout, la tête tournée vers les juges, le procureur poussa un soupir et se mit à parler en agitant en l’air sa main droite. La mère ne comprit pas les premières paroles ; la voix était facile et épaisse, tantôt elle coulait vite, tantôt elle se ralentissait. Les mots s’étendaient, volaient, tourbillonnaient telle une volée de mouches noires sur un morceau de sucre. Mais Pélaguée ne voyait en eux rien de menaçant ni de terrible. Froids comme la neige, gris comme la cendre, ils s’égrenaient et remplissaient la salle de quelque chose d’ennuyeux, d’horripilant comme une poussière fine et sèche. Ce discours abondant en mots et pauvre en idées n’arrivait sans doute pas jusqu’à Pavel et ses camarades, qui ne s’en inquiétaient absolument pas et continuaient