Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/353

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sacrifiant des millions d’êtres malheureux, cette force qui leur donne du pouvoir sur nous, font naître parmi eux des flottements hostiles et les ruinent physiquement et moralement. La défense de votre pouvoir exige une tension d’esprit constante ; et en réalité, vous, nos maîtres, vous êtes tous plus esclaves que nous, ce sont vos esprits qui sont asservis, tandis que nous, nous ne sommes asservis que physiquement. Vous ne pouvez pas vous affranchir du joug des préjugés et des habitudes qui vous tue moralement ; nous, rien ne nous empêche d’être intérieurement libres. Et notre conscience grandit, elle se développe sans s’arrêter ; elle s’enflamme toujours plus et entraîne après elle les meilleurs éléments, moralement sains, même ceux de votre milieu… Voyez plutôt, vous n’avez déjà plus personne qui puisse lutter au nom de votre puissance avec des pensées ; vous avez déjà épuisé tous les arguments capables de vous protéger contre l’assaut de la justice historique ; vous ne pouvez plus rien créer de neuf dans le domaine intellectuel ; vous êtes stériles en esprit. Nos idées, à nous, se développent avec une force croissante ; elles pénètrent dans les masses populaires et les organisent en vue de la lutte pour la liberté, lutte acharnée, lutte implacable. Il vous sera impossible d’arrêter ce mouvement, sinon en vous servant de la cruauté et du cynisme. Mais le cynisme est évident et la cruauté irrite le peuple. Les mains que vous employez aujourd’hui pour nous étrangler, serreront demain nos mains en une étreinte fraternelle. Votre énergie, c’est l’énergie mécanique produite par l’augmentation de l’or ; elle vous unit en groupes destinés à s’engloutir mutuellement. Notre énergie à nous, c’est la force vivante et sans cesse croissante du sentiment de solidarité qui unit tous les opprimés. Tout ce que vous faites est criminel, car vous ne pensez qu’à asservir l’homme ; notre travail à nous affranchit le monde des monstres et des fantômes, créés par votre mensonge, votre cupidité, votre haine. Bientôt, la masse de nos ouvriers et de nos paysans sera libre et créera un monde libre, harmonieux et immense. Et cela sera !

Pavel se tut un instant, puis il répéta avec plus de force encore :