Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/363

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XXVI


En sortant du tribunal, la mère fut tout étonnée de voir que la nuit était déjà tombée sur la ville ; dans les rues, les réverbères étaient allumés ; les étoiles scintillaient au ciel. Aux alentours du palais de justice, les gens se rassemblaient en petits groupes ; dans l’air glacé, la neige grinçait sous les pas ; des voix jeunes s’interrompaient mutuellement. Un homme coiffé d’un capuchon gris s’approcha de Sizov et demanda d’une voix rapide :

― Quelle sentence ?

― La déportation.

― Pour tous ?

― Pour tous…

L’homme s’éloigna.

― Tu vois ! dit Sizov à la mère, ça les intéresse…

Soudain, ils furent entourés par une dizaine de jeunes gens et de jeunes filles ; les exclamations se mirent à pleuvoir, attirant d’autres personnes dans le groupe. Sizov et la mère s’arrêtèrent. On voulait connaître le verdict, savoir comment les prévenus s’étaient comportés, qui avait prononcé un discours et sur quel sujet ; dans toutes ces questions tintait la même note de curiosité avide et sincère.

― C’est la mère de Pavel Vlassov ! cria quelqu’un.

Brusquement, tous se turent.

― Permettez-moi de vous serrer la main !

Une main ferme s’empara avec vigueur de celle de Pélaguée. La voix continua, tremblante d’émotion :

― Votre fils sera un exemple de courage pour nous tous !

― Vive l’ouvrier russe ! cria une voix vibrante.

― Vive la révolution !

― À bas l’autocratie !

Les exclamations se multipliaient, toujours plus violentes ; elles éclataient, se croisaient ; les gens accouraient de toutes parts et se pressaient autour de Sizov et de Pélaguée. Les coups de sifflet des agents de police fendirent l’air, mais sans parvenir à dominer la rumeur. Le vieillard riait. Quant à la mère, il lui semblait que tout cela était un beau rêve. Elle souriait, serrait