des mains, saluait ; des larmes de bonheur lui serraient la gorge ; ses jambes fléchissaient de fatigue ; mais son cœur, plein d’une joie triomphante, reflétait les impressions comme le clair miroir d’un lac.
Tout près d’elle, une voix nette s’écria d’un ton énervé :
― Camarades ! amis ! Le monstre qui dévore le peuple russe a de nouveau satisfait aujourd’hui ses appétits…
― Allons-nous-en, mère ! dit Sizov.
Au même instant, Sachenka surgit. Elle prit la mère par le bras et l’entraîna sur l’autre trottoir en disant :
― Venez… peut-être la police va-t-elle se jeter sur la foule pour nous battre… Ou bien, il y aura des arrestations. Eh bien ? C’est la déportation ? En Sibérie ?
― Oui, oui !…
― Et lui, qu’a-t-il fait ? Il a parlé ? Je le sais déjà, d’ailleurs. Il est plus fort et plus simple que tous les autres… et plus sévère aussi, c’est vrai. Il est tendre et sensible, mais il se gêne de manifester ses sentiments… Il est ferme, et droit comme la vérité elle-même… Il est grand, et en lui, il y a tout… tout ! Mais dans bien des cas, il se comprime lui-même… de peur de n’être pas tout à la cause du peuple… je le sais bien !…
Ces paroles d’amour s’exhalant en un chuchotement passionné calmèrent Pélaguée et ranimèrent ses forces défaillantes.
― Quand irez-vous le rejoindre ? demanda-t-elle à la jeune fille, d’une voix basse et affectueuse en l’attirant à elle. Sachenka répondit, le regard fixé devant elle avec assurance :
― Aussitôt que j’aurai trouvé quelqu’un qui se charge de mon ouvrage ! Car mon tour viendra bientôt de passer en jugement… On m’enverra aussi en Sibérie… Je dirai alors que je désire être exilée au même endroit que lui…
Derrière les deux femmes résonna la voix de Sizov.
― Vous le saluerez de ma part !… Je m’appelle Sizov… Il me connaît… je suis l’oncle de Fédia Mazine…
Sachenka s’arrêta, se tourna et lui tendit la main.
― Je connais Fédia. Mon nom est Sachenka.
― Et votre nom de famille ?