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Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/46

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réputation viennent de la ville pour vous rendre visite.

— Bien entendu ! s’écria Pavel avec une grimace de dégoût.

— Dans un marais, tout sent la pourriture ! dit le Petit-Russien en soupirant. Vous feriez mieux d’expliquer à ces jeunes sottes ce que c’est que le mariage, petite mère, elles ne seraient plus si pressées de se faire rompre les côtes !

— Ah ! s’exclama Pélaguée, elles le savent bien, mais comment s’en passeraient-elles ?

— Elles ne comprennent pas, sinon elles trouveraient autre chose ! fit Pavel.

La mère jeta un regard sur le visage irrité de son fils.

— C’est à vous de le leur enseigner ! Invitez les plus intelligentes…

— Ce n’est pas possible ! répondit Pavel avec sécheresse.

— Si tu essayais ! demanda le Petit-Russien.

Après un instant de silence, Pavel répondit :

— On se mettra à se promener par couples, puis quelques-uns se marieront, et ce sera tout.

La mère se plongea dans des réflexions. L’austérité monacale de son fils la déconcertait. Elle voyait qu’il était obéi par ses camarades, même plus âgés que lui, comme le Petit-Russien par exemple, mais il lui semblait que tout le monde le craignait et qu’on n’aimait pas ses manières froides.

Une fois qu’elle était couchée, alors que Pavel et le Petit-Russien lisaient encore, elle prêta l’oreille à leurs propos, à travers la mince cloison.

— Natacha me plaît, sais-tu ? fit soudain le Petit-Russien à mi-voix.

— Oui, je le sais…

Pavel n’avait pas répondu tant de suite.

La mère entendit le Petit-Russien se lever lentement et se mettre à arpenter la pièce. Ses pieds nus traînaient sur le sol. Il sifflota un air triste, puis sa voix retentit de nouveau :

— L’a-t-elle remarqué ?

Pavel garda le silence.

— Qu’en penses-tu ? demanda son camarade en baissant la voix.