Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/97

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de la terre, ces ulcères ! Pavel se conduit très bien, il est ferme et calme avec tout le monde. Je vous dis qu’on le libérera bientôt…

— Bientôt ! dit la mère apaisée, en souriant. Je le sais, ce sera bientôt !

— Et ce sera très bien ! Versez-moi donc du thé. Qu’avez-vous fait ces derniers temps ?

André la regardait en souriant, il était tout proche du cœur de la mère ; dans la profondeur bleue de ses yeux ronds, s’allumait une étincelle aimante et un peu attristée.

— Je vous aime beaucoup, André ! dit la mère après avoir poussé un profond soupir ; elle considéra son visage maigre, couvert de bizarres petites touffes de poils.

— Un peu suffirait pour moi… Je sais que vous m’aimez, vous pouvez aimer tout te monde, vous avez un grand cœur ! répondit le Petit-Russien en se balançant sur sa chaise.

— Non, je vous aime tout particulièrement ! fit-elle avec insistance. Si vous aviez une mère, les gens l’envieraient d’avoir un fils pareil…

Le Petit-Russien hocha la tête et se la frotta vigoureusement des deux mains.

— Moi aussi, j’ai une mère quelque part, dit-il à voix basse.

— Savez-vous ce que j’ai fait aujourd’hui ? s’écria Pélaguée.

Et, bégayant de plaisir, elle raconta vivement, en amplifiant un peu, comment elle avait introduit des brochures à la fabrique.

D’abord, il écarquilla les yeux, tout surpris, puis il se frappa la tête du doigt et s’écria, plein de joie :

— Oh ! mais ce n’est pas une plaisanterie ! C’est une affaire sérieuse ! C’est Pavel qui va être content ! C’est très bien cela, petite mère ! Aussi bien pour Pavel que pour tous ceux qui ont été arrêtés en même temps que lui !…

Il faisait claquer ses doigts de ravissement, sifflait, se balançait. Sa joie rayonnante éveillait un écho puissant dans l’âme de Pélaguée.

— Mon cher André, dit-elle, comme si son cœur s’était ouvert et qu’il en coulât un clair ruisseau de