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MA VIE D’ENFANT


I


Près de la fenêtre, dans une petite pièce presque obscure, mon père, tout de blanc vêtu et extraordinairement long, est couché sur le sol. Les doigts de ses pieds nus, animés d’un mouvement bizarre, s’écartent l’un de l’autre spasmodiquement, tandis que les phalanges caressantes de ses mains posées avec résignation sur sa poitrine restent obstinément contractées. Le regard joyeux de ses yeux clairs s’est éteint ; le visage si bon d’ordinaire apparaît morne et la saillie de ses dents entre les mâchoires distendues emplit mon cœur d’un vague effroi[1].

En jupe rouge, à demi vêtue, ma mère s’est agenouillée près de lui et, au moyen d’un petit peigne noir dont j’aime à me servir pour scier les écorces des pastèques, elle partage les longs et souples cheveux de mon père qui lui retombent

  1. Le père de Gorki mourut du choléra.