Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/138

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— Quelles lois ? Qu’est-ce que c’est qu’une loi ?

— Les lois, ce sont les coutumes, expliquait le vieillard, d’une voix gaie et avenante ; en même temps son regard perçant devenait plus aigu. Les gens vivent en commun et ils se mettent d’accord pour reconnaître que telle ou telle manière d’agir les uns envers les autres est la meilleure, qu’elle deviendra une coutume, une règle, une loi ! Ainsi, par exemple, les enfants qui se réunissent pour jouer se concertent d’abord pour mener le jeu de telle ou telle façon ! Eh bien, la loi, c’est un accord entre grandes personnes !

— Et les fonctionnaires ?

— Le fonctionnaire, c’est le méchant polisson qui a la garde et qui abuse de toutes les lois.

— Pourquoi ?

— Tu es trop jeune pour comprendre ! affirmait grand-père d’un ton sévère en fronçant le sourcil.

Puis il reprenait la leçon :

— Le Seigneur est au-dessus de tout. Si les hommes désirent une chose, Dieu, lui, en veut une autre. Ce qui est humain est instable et fragile. Le Seigneur souffle dessus et aussitôt tout se réduit en poussière ou en cendres.

J’avais beaucoup de raisons de m’intéresser aux fonctionnaires, c’est pourquoi je revins à la charge :

— L’oncle Jacob chante : « Les anges lumineux sont les serviteurs de Dieu, et les fonctionnaires sont les valets de Satan !»

De la main, grand-père relève sa barbiche, la fourre dans sa bouche et ferme les yeux. Ses joues tremblent et je sens qu’il rit intérieurement.