Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/155

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d’un liquide contenu dans une bouteille noire. Il y eut dans le récipient des bouillonnements et des sifflements en même temps qu’une odeur caractéristique se répandait par la pièce. Elle me chatouilla le nez et je me mis à tousser et à secouer la tête, tandis que le sorcier me demandait d’une voix satisfaite :

— Ça sent mauvais ?

— Oh ! oui !

— C’est bien, mon ami ! C’est fort bien !

« Il n’y a pas de quoi être fier ! » pensais-je, et je déclarais avec sévérité :

— Du moment que ça sent mauvais, ce que vous faites ne peut pas être bien !

— Vraiment ? s’exclama-t-il en clignant l’œil. Ce que tu dis n’est pas toujours exact, mon ami ! Sais-tu jouer aux osselets ?

— Oui.

— Veux-tu que je te fasse un osselet de plomb ? Ce sera un bon battoir.

— Je veux bien.

— Donne-moi ton osselet.

Il s’approcha de nouveau de moi, un œil cligné et l’autre fixant le bol fumant qu’il tenait à la main :

— Je te ferai un osselet de plomb, mais, en échange, tu ne reviendras plus ici. Cela te va-t-il ?

Cette proposition m’offensa cruellement.

— Je n’ai pas besoin de cela pour ne plus revenir.

Très vexé, je retournai au jardin. Grand-père s’y trouvait, garnissant de fumier les racines des pommiers ; on était en automne et depuis longtemps les feuilles tombaient.