Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/159

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Ivan eut honte.

Mais il craignait aussi de désobéir. Alors, tirant le glaive de son fourreau de cuir,

Il essuya la lame au revers de son habit :

— Mirone, dit-il, je voulais faire en sorte

De te tuer sans que tu voies le glaive ! Mais maintenant,

Prie Dieu, Prie-Le pour la dernière fois !

Prie-le pour toi, pour moi, pour toute la race humaine,

Après quoi je te trancherai la tête !

Le moine Miron se mit à genoux, à genoux sous un jeune chêne.

L’arbre devant lui s’inclina et le moine en souriant parla :

— Oh ! Ivan, ton attente sera longue ! Car la prière pour la race humaine durera longtemps,

Et tu ferais mieux de me tuer tout de suite, que de t’exténuer à attendre en vain !

Alors, Ivan a froncé le sourcil et il s’est rengorgé, le nigaud :

— Non, ce qui est dit est dit ! Tu n’as qu’à prier, j’attendrai, fût-ce un siècle !

Le moine pria jusqu’au soir ; et du soir jusqu’à l’aurore suivante il continua.

Et de l’aurore jusqu’à la nuit, il pria encore et de l’été jusqu’à l’autre printemps sa prière dura.

Et les ans aux ans s’ajoutaient et Mirone priait toujours.

Le jeune chêne arriva aux nuages.

Une forêt épaisse était née de ses glands, que la sainte prière n’était pas encore terminée.