Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/17

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à ma mère et, sans attendre la réponse, il s’écarta de moi en remarquant :

— Il a les pommettes de son père… Descendons dans le canot.

Nous débarquâmes, et, en groupe, par une route pavée de gros cailloux entre deux talus recouverts d’une herbe flétrie et piétinée, nous nous dirigeâmes vers la montagne.

Grand-père et maman nous devançaient tous. De taille beaucoup plus petite que la sienne, il allait à petits pas rapides ; ma mère, elle, le regardait de haut en bas et semblait flotter en l’air. Venaient ensuite les deux oncles : Mikhaïl, sec comme son père, les cheveux lisses et noirs, et Jacob, blond et rayonnant ; de grosses femmes en robes de couleurs criardes et cinq ou six enfants, tous plus âgés que moi et tous tranquilles, les suivaient. Je fermais la marche entre grand’mère et la petite tante Nathalie. Celle-ci, qui était pâle et avait des yeux bleus et un ventre énorme, s’arrêtait à chaque instant ; haletante, elle murmurait :

— Ah ! je n’en puis plus !

— Pourquoi t’ont-ils dérangée ? grommelait grand’mère avec irritation. Quelle race de nigauds !

Les grandes personnes ni les enfants ne me plaisaient ; je me sentais un étranger parmi eux ; et dans ce nouveau milieu, grand’mère elle-même s’était comme effacée et éloignée de moi.

Mon aïeul surtout me déplaisait ; du premier coup, je sentis en lui un ennemi, et une curiosité inquiète à son égard naquit en moi de cette réception.

Nous arrivâmes en haut de la montée. À l’entrée