Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/184

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assis sur une pile de bois entassée contre le mur, il jouait avec des petits chiens. L’un de mes cousins fit la proposition, acceptée d’emblée, de voler un chien et aussitôt un plan très ingénieux fut arrêté : mes cousins allaient immédiatement se rendre dans la rue, devant le portail des Betleng, moi, je ferais peur au monsieur qui se sauverait, et Sacha et Sachka, profitant de ce désarroi, se rueraient dans la cour et s’empareraient de l’un des animaux.

— Comment faut-il faire pour l’effrayer ?

L’un de mes cousins proposa :

— Crache-lui sur la tête !

Est-ce un si grand péché que de cracher sur le crâne de quelqu’un ? J’avais pu juger qu’il existe bien d’autres manières de causer du tort à son prochain, aussi je n’hésitai guère à exécuter honnêtement la mission dont je m’étais chargé.

Cela souleva un beau tapage, et fit un vrai scandale ; toute une armée d’hommes et de femmes, conduite par un jeune et bel officier, sortit de la maison Betleng et pénétra dans notre cour. Et comme, au moment du crime, mes cousins se promenaient tranquillement dans la rue, sans rien savoir, semblait-il, de mon horrible forfait, grand-père ne fouetta que moi et satisfit ainsi tous les locataires de la maison voisine.

Les membres endoloris, j’étais couché dans la soupente, à la cuisine, lorsque l’oncle Piotre, vêtu de ses habits du dimanche, grimpa vers moi, l’air joyeux :

— Tu as eu une riche idée, mon petit ami ! me chuchota-t-il, de cracher sur ce vieux bouc !