Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais c’est des cailloux qu’il faudrait lancer sur sa caboche pourrie !

Je revoyais le visage rond, glabre et enfantin du monsieur ; je me rappelais qu’il avait glapi tout doucement, plaintivement, comme les petits chiens, en essuyant son crâne chauve avec ses petites mains jaunes. J’éprouvais une honte insupportable, je haïssais mes cousins, mais j’oubliai tout lorsque je vis le vieux charretier, dont le visage ridé avait un aspect aussi effrayant et aussi repoussant que celui de grand-père pendant qu’il me fustigeait.

— Va-t’en ! hurlai-je, en repoussant Piotre des pieds et des mains.

Il se mit à ricaner, cligna de l’œil et s’éloigna.

Depuis lors, je perdis toute envie de converser avec lui ; je l’évitai même, mais en même temps, je me mis à le surveiller, comme si je me fusse attendu vaguement à quelque chose.

Bientôt après cette aventure, il en arriva une autre. Depuis fort longtemps, la paisible maison Ovsiannikof me préoccupait. Cette demeure aux murs gris me semblait mystérieuse comme certains castels des contes de fée.

Chez les Betleng, on vivait bruyamment, gaîment ; quantité de belles dames habitaient là ; des officiers et des étudiants venaient leur rendre visite ; on riait, on criait, on chantait, on faisait de la musique. La façade de la maison elle-même était joyeuse ; les vitres des fenêtres étincelaient et on distinguait nettement le feuillage des plantes fleuries placées près des croisées. Grand-père n’aimait pas cette maison.