Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/187

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fines et longues, à la poitrine étroite, qui avait l’air de saluer de tous côtés en arrivant dans la cour. Le boiteux lui donnait, sur la croupe et sur le garrot, des tapes sonores, sifflait, soufflait bruyamment, puis on rentrait de nouveau la bête à l’écurie. Et j’avais l’impression que le vieillard aurait voulu sortir, se promener, mais qu’il ne pouvait pas le faire parce qu’il était ensorcelé.

Presque tous les jours, de midi jusqu’à la tombée de la nuit, trois petits garçons jouaient dans la cour : vêtus tous trois du même costume sombre et coiffés de petits chapeaux exactement pareils, ils avaient la figure ronde et les yeux gris et se ressemblaient à un tel point que je ne les distinguai d’abord que par leur taille.

Je les regardais par une fente de la clôture, mais eux ne me remarquaient pas, et cela m’ennuyait fort. J’aimais à les voir jouer gentiment, gaîment, à des jeux que j’ignorais. Leurs costumes me plaisaient, mais ce qui me ravissait, c’était la sollicitude qu’ils se témoignaient réciproquement ; le cadet, surtout, petit bonhomme vif et amusant, était l’objet de l’attention des deux aînés. S’il tombait, les autres riaient, car on rit toujours quand quelqu’un tombe, mais leurs rires n’avaient rien de malveillant ; ils aidaient leur frère à se relever et, s’il s’était sali les mains ou les genoux, tous deux essuyaient doigts et culotte avec des feuilles de fenouil ou avec leurs mouchoirs.

— Que tu es amusant ! disait seulement d’une voix placide et zézayante le second.

Jamais ils ne se querellaient, jamais ils ne se