Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/207

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— Pourquoi ne dis-tu rien ? Es-tu content ? Fi, quelle blouse sale !…

Ensuite, elle me frictionna les oreilles avec de la graisse d’oie ; j’avais mal, mais le parfum frais et doux qui émanait d’elle semblait atténuer mes souffrances. Tout bouleversé par l’émotion, je me serrais contre elle, la regardant droit dans les yeux ; j’entendais aussi grand’mère qui disait d’une voix contenue et morne :

— Il est volontaire, je ne puis plus rien faire de lui ; il ne craint personne, pas même son grand-père… Ah ! Varioucha ! Varioucha !

— Ne pleurnichez pas, maman, tout s’arrangera !

En comparaison de ma mère, tout apparaissait petit, mesquin et vieillot ; moi-même je me sentais aussi vieux que grand père. Mère me serrait entre ses genoux vigoureux et, tout en me caressant la tête de sa main tiède et pesante, elle disait :

— Il faut lui couper les cheveux et l’envoyer à l’école. Est-ce que tu veux apprendre ?

— J’ai déjà pris beaucoup de leçons !

— Il faut que tu étudies encore. Mais que tu es fort !

Elle riait d’un rire velouté et réchauffant en jouant avec moi.

Les yeux rougis, les poils hérissés, le teint blême, grand-père pénétra dans la pièce. Ma mère m’écarta d’un geste et demanda très haut :

— Eh bien, quoi, papa ? Faut-il que je reparte ?

Il s’arrêta à la fenêtre, égratigna de l’ongle le givre qui recouvrait la vitre et garda longtemps le silence. Autour de nous, tout semblait aux écoutes,