Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/210

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Grand’mère lui prit la main, s’assit à ses côtés et se mit à rire doucement et gaîment :

— Le beau malheur ! Si c’est cela qui t’effraye ! Mendier, ce n’est pas si triste. Tu n’auras qu’à rester à la maison et c’est moi qui irai demander la charité ; n’aie pas peur, on me fera l’aumône à moi et nous aurons toujours de quoi manger ! Ne t’occupe pas de cela !

Il eut aussi un petit rire et, tournant la tête comme une chèvre, saisit grand’mère par le cou. Tout minuscule et fripé, il se serra contre elle et sanglota :

— Eh ! nigaude ! Ma grosse nigaude, tu es la seule personne qui me reste au monde ! Tu ne regrettes rien, nigaude, tu ne comprends rien ! Mais, rappelle-toi ! n’avons-nous pas travaillé pour eux ? N’est-ce pas pour eux que j’ai commis des péchés… Ah ! si seulement ils nous rendaient à l’heure actuelle un tout petit peu de ce que j’ai fait pour eux !

Tout ruisselant de larmes, je n’y pus tenir plus longtemps, je sautai à bas du poêle, et me précipitai vers mes grands-parents, en sanglotant de joie parce qu’ils avaient prononcé de si belles paroles, et de chagrin parce que je participais à leur douleur. Ils m’enlacèrent tous deux et me pressèrent sur leur cœur en m’arrosant de leurs larmes. Grand-père me chuchota dans les yeux et dans les oreilles :

— Ah ! petit brigand, tu es là aussi ! Maintenant que ta mère est revenue, tu vas rester dans ses jupes et tu feras fi de ton vieux et méchant diable de grand-père ! Et tu négligeras aussi ta grand’mère, qui t’a dorloté, qui t’a gâté, n’est-ce pas ? Ah ! vous…