Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/241

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moins : il y trouva sans nulle peine des camarades. Mais, certain jour, s’étant endormi au cours d’une leçon, il poussa tout à coup un rugissement terrifiant :

— Je ne le ferai plus.

On le réveilla et il demanda l’autorisation de sortir ; mais on se moqua cruellement de lui et, le lendemain, comme nous allions à l’école, il s’arrêta à la descente du ravin, près de la Place du Foin, et me déclara :

— Vas-y, si ça te plaît, moi, j’aime mieux me promener !

Il s’accroupit, enfouit soigneusement dans la neige son paquet de livres et s’éloigna. C’était une claire journée de janvier. Le soleil étincelait partout. J’enviais beaucoup mon cousin, mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me rendis en classe, car je ne voulais pas chagriner ma mère. Les manuels ensevelis par Sacha se trouvèrent naturellement perdus, et, le lendemain, il avait, de ce fait, une raison plausible de faire l’école buissonnière. Le troisième jour, grand-père était au courant de ses agissements.

On nous fit comparaître devant le tribunal de famille : mes grands-parents et ma mère, assis à la table de la cuisine, nous interrogèrent et je me souviens des réponses ridicules de mon cousin.

— Comment se fait-il que tu ne puisses plus arriver à l’école ?

Ses yeux placides et bons fixés sur mon aïeul, Sacha expliqua sans se presser :

— J’ai oublié où elle était.

— Tu as oublié ?

— Oui. Je l’ai pourtant bien cherchée…