Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/242

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— Tu aurais dû suivre Alexis ; il s’est bien rappelé, lui, où elle est !

— Je l’ai perdu.

— Tu as perdu Alexis ?

— Oui.

— Comment cela a-t-il pu se faire ?

Sacha réfléchit un instant et répondit avec un soupir :

— Il y avait une tempête de neige et on ne voyait plus rien.

Tout le monde se mit à rire ; le temps était calme et clair. Sacha, lui aussi, sourit avec prudence. Les dents découvertes, grand-père continua malicieusement :

— Tu aurais dû le tenir par la main, ou l’empoigner à la ceinture…

— C’est ce que j’ai fait, mais le vent m’a emporté…

Il parlait avec conviction, d’une voix paresseuse. J’étais gêné en entendant ces mensonges inutiles et maladroits. L’entêtement de mon cousin m’étonna beaucoup.

On nous fouetta. À dater de cette heure, un guide, ancien pompier, qui avait eu le bras cassé, nous fut adjoint ; il devait veiller à ce que Sacha ne déviât pas de la voie qui mène à la science. Mais cette mesure n’eut aucun effet ; le jour suivant, quand nous arrivâmes au ravin, mon cousin se baissa et enleva une de ses chaussures de tille qu’il jeta très loin ; ensuite il enleva l’autre et la lança non moins loin, dans une direction opposée. Puis, les pieds préservés par ses bas seulement, il se mit à courir vers la place. Le vieux pompier poussa des gémisse-