Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/249

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— Tu ne peux pas encore comprendre ce que cela signifie : « s’unir » et « s’épouser » ; sache seulement que c’est un grand malheur pour une fille quand elle a un enfant sans être mariée ! Rappelle-toi cela quand tu seras grand ; ne pousse pas les filles à faire des choses pareilles ; tu te rendrais coupable d’un grand péché, la fille serait malheureuse et l’enfant illégitime. Souviens-toi de cela, fais attention. Aie pitié des femmes, aime-les sincèrement, mais pas pour t’amuser. C’est un bon conseil que je te donne là !

Elle se dandina sur sa chaise, absorbée par ses réflexions ; puis se secoua et reprit :

— Que me restait-il à faire ? Je donnai un coup de poing à Maxime et je tirai Varioucha par les cheveux, mais il me dit avec raison : « Ce n’est pas avec des coups qu’on arrange les choses ! — Il vaudrait mieux penser d’abord à ce qu’on pourrait faire et nous battre ensuite ! » ajouta ta mère. Je demandai : « As-tu de l’argent ? – J’en avais, me répondit-il, mais je l’ai dépensé ; j’ai acheté une bague à Varioucha. — Combien avais-tu ? Trois roubles, sans doute ? — Non, tout près de cent. » À cette époque-là, l’argent était cher et les choses bon marché. Je les regardais tous les deux, et je me disais : « Ah ! les galopins, les petits niais ! » Ta mère me confia : « J’ai caché la bague sous le plancher, pour que vous ne la voyiez pas ; on peut la vendre ! » De vrais enfants, quoi ! Enfin nous nous sommes entendus tant bien que mal : on les marierait la semaine suivante et c’est moi qui arrangerais les affaires avec le prêtre. Je pleurais à fendre l’âme et je tremblais