muette. Je regarde, et je vois ta mère, la coquine, qui s’était cachée derrière un pommier et qui, rouge comme une pivoine, lui faisait des signes, les larmes aux yeux. « Ah ! m’exclamai-je, que la peste vous emporte ! quelle fichue idée avez-vous donc là ? N’as-tu pas perdu la raison, Varioucha ? Et toi, jeune homme, as-tu bien réfléchi à ce que tu demandes : ne vises-tu pas trop haut ? » À cette époque-là, grand-père était un richard, il n’avait pas encore partagé son bien entre ses enfants ; il avait des maisons, il avait de l’argent ; il était considéré ; peu de temps auparavant on lui avait donné un chapeau orné d’un galon ainsi qu’un uniforme parce qu’il avait été pendant neuf années consécutives le doyen de sa corporation ; et il était fier de sa situation. Je leur parlai comme je devais le faire et, en même temps, je tremblais de peur car leurs physionomies s’étaient rembrunies et ils me faisaient pitié. Maxime alors me déclara : « Je sais que ton mari ne me donnera pas sa fille de bon gré ; aussi vais-je l’enlever : veux-tu nous aider ? » Moi ! me proposer de les aider ! Je levai la main, mais il ne recula pas. « Lance-moi des pierres si tu veux, continua-t-il, mais viens à notre secours, parce que, moi, je ne céderai pas. » Varioucha s’approcha de lui et lui posa la main sur l’épaule : « Il y a longtemps que nous nous sommes unis, me dit-elle ; maintenant, il faut seulement qu’on nous marie ! » Je suis partie d’un éclat de rire, ah, mon Dieu !
Grand’mère se mit à rire si fort que tout son corps tremblait ; puis elle s’offrit une prise, essuya ses larmes et continua, après avoir poussé un soupir de satisfaction :