Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/25

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— Ne demande rien, cela vaut mieux ! Répète tout simplement ce que je dis… Allons ! « Notre Père… »

J’étais troublé : pourquoi serait-ce pis si je questionnais ? Les mots qu’on m’obligeait à dire prenaient de la sorte une signification cachée et, à dessein, je les défigurais encore.

Mais ma tante, pâlissant davantage, reprenait avec patience, d’une voix entrecoupée :

— Non, répète tout simplement : « … qui es aux cieux… »

Pas plus que ses propos, l’attitude de Nathalie n’était simple. Ces façons d’agir me surexcitaient et les préoccupations qu’elles faisaient naître m’empêchaient d’apprendre par cœur et rapidement la prière.

Un jour, grand-père s’informa :

— Eh bien, Alexis, qu’as-tu fait aujourd’hui ? Tu as joué. Je le vois à la bosse que tu t’es faite au front ! Ce n’est pas bien malin de se faire une bosse. Sais-tu ton « Notre père » ?

Tante répondit à mi-voix :

— Il a mauvaise mémoire.

Grand-père sourit ; ses sourcils roux se haussèrent gaîment :

— S’il en est ainsi, il faut le fouetter !

Et s’adressant à moi de nouveau :

— Ton père te donnait-il les verges ?

Ne comprenant pas de quoi il était question, je gardai le silence ; ce fut ma mère qui répliqua :

— Non, Maxime ne l’a jamais battu et il m’a interdit de le faire.

— Pourquoi cela ?

— Il jugeait que les coups n’apprennent rien.